Ils sont venus en voisins, Véronique Briel (au piano), Véronique Fèvre (à la clarinette), Vincent Leterme (au piano), Frédéric Lubiatto (au violoncelle). Ils nous ont fait passer la soirée du second concert des « Estivales » en la compagnie exclusive de Gabriel Fauré, ceci dans la joie. 2024 : c’est le centenaire de la mort de ce compositeur né en 1845, un peu oublié aujourd’hui dont l’œuvre a pourtant marqué la musique française. A vrai dire, le grand public – dont je suis – connaît peu ou mal, ce musicien prolifique qu’une longue carrière couronnée de succès de la fin du 19ème siècle et au début du 20ème place parmi les grands noms de la musique française : il est considéré comme un « grand maître » de la musique de chambre, mais aussi comme le maître incontesté de la mélodie. C’est surtout pour sa principale œuvre religieuse, le célèbre « Requiem » que nous le connaissons aujourd’hui.
C’est un itinéraire à travers cette musique – d’œuvres les plus anciennes à celles de la fin de sa carrière – que nous ont offert nos cinq musiciens ; de la Sonate op. 15 pour flûte et piano (1875) au Trio op. 120, clarinette, violoncelle et piano (1923) et bien sûr, 3 mélodies et l’Elégie en ut mineur pour violoncelle et piano. Pour ceux qui sont peu familiers de Fauré, sa musique peut être déroutante : non pas du fait de sonorités déconcertantes, mais parce qu’on y cherche en vain des influences classiques, ou romantiques (qui ont pourtant marqué la formation du compositeur).
Fauré a son architecture bien à lui, des rythmes vifs et contrastés (comme dans le Trio) et surtout une grande maîtrise de l’art de la mélodie, genre un peu délaissé aujourd’hui. L’interprétation toute en énergie, en souplesse et clarté de nos cinq musiciens était là pour nous faire oublier nos interrogations : fluidité et vigueur du piano, velouté du violoncelle – parfois déchirante comme un sanglot humain, dans « Elégie » – énergie et douceur de la flute et de la clarinette.
Chaque instrument tissant sa mélodie, mais à tour de rôle dans un jeu d’échange, clair, méthodique et précis. Saluons la performance musicale des interprètes, d’une bonne humeur contagieuse, respirant le bonheur de jouer ensemble et soucieux de faire partager leur art à un public qui les a longuement applaudis.
Anne-Sylvie Moretti
Photos : D. Belasky, M. Labidurie, A.-S. Moretti.